Depuis bientôt 24 h, nous sommes voiles affalées, enrobés d’une couche de brume laissant de temps à autre voir le ciel au zénith, se balançant selon deux rythmes qui s’alternent (piano et fortissimo), et don du ciel, trois oiseaux qui nous suivent, se rapprochant la nuit et venant survoler furtivement le pont et le cockpit du bateau. Trois petits oiseaux noirs, nous faisant penser à une sorte d’hirondelle, volant grace à de très rapides battements d’ailes perpétuels et alors, d’un bavardage hors du commun. De quoi avoir envie de rester ici des jours et des jours.
Un autre temps, un autre espace, un mouvement qui nous laisse sur place, des oiseaux qui nous évoque la campagne, une brume qui nous transforme en un cocon ouateux, des siestes interminables pour chacun où juste de fantastiques repas nous sortent de notre somnolence vigilante. Ces repas sont un moment où tout l’équipage est là, tranquille, n’ayant plus la marche du bateau qui le sollicite en permanence. Tout le monde est là, des histoires se racontent, des histoires comme d’un temps lointain, passé, révolu, on rit, on déguste, et on est bien. Cette nuit, on a modifié les rythmes de quart. Nous nous relayons toutes les deux heures, profitons seul dehors de ces
moments d’exception. Le pain sort du four, le curry de thon de Véronique avec bananes au chocolat fondu et lait de coco sont finit de digérer, les lasagnes de thon d’Yves d’hier midi restent encore en mémoire, les graines germées envahissent le bateau. Boire, manger, éliminer, discuter, dormir, se laver à la plage (arrière) avec l’eau a 13° et un air extérieur à 15°, on y est, l’essentiel, le vital, les moments de connivences avec l’un ou l’autre, Anthony qui a terminé sont livre, Véronique qui potasse la navigation astronomique, Gilbert le nez dans la notice du radar, et Yves qui nous racontent des moments de vie et qui trouve toujours quelque chose à coudre, à réparer, à
transformer.
3 heures du matin pour notre heure locale, j’ai rangé ma grosse pièce de laine de mouton que j’ai installée pour mon quart dans le fond du cockpit, ayant put, ainsi au chaud, partager un moment plus intime avec ces trois oiseaux de paradis. Bonne nuit d’un autre monde. Je laisse tout cela à Véronique qui réveillera Anthony qui réveillera Yves qui réveillera Gilbert…. à moins que le vent ne fasse apparition et que d’un coup, tout sorte de cette léthargie bienheureuse pour passer au plaisir de ré-hisser les voiles, et de commencer à avancer sur la route de … mais, chut, nous ne y sommes pas encore … Le pain chaud est coupé en deux pour y étaler huile d’olive pour l’un, huile de sésame grillée pour l’autre et rien pour le troisième. Chacun pourra, selon son envie, y adjoindre fromage, miel, graines germées, confiture, purée d’amande ou de noisette, herbes de Provence ou encore olives …
Bon appétit de la part de l’équipage de « Thalassanté »