Le point de glace

L’après 50ème ouest. Tout a changé à bord. Tout est mieux. C’était déjà super alors vous imaginez. Ce 50W, appelé point « Glace » par Véronique, était comme un cap à atteindre, à dépasser. Point on ne peut plus virtuel car un méridien, si cela est très concret pour nous, il faut quand même se dire que l’on a rien « vu » de spécial. Mais nous avons trinqué à cette nouvelle « année », comme si en mer, après des jours de mer, on pouvait bien se donner le droit de définir le point de départ de « notre » année. Voilà qui est fait et de surcroît, c’est la nouvelle année de Yves qui franchissant son 63ème méridien. De plus, Yves en direct nous informe que selon sa lecture d’hier soir, un livre chinois, il a aussi fêté sa troisième année car en Chine tout est module de 60 ans. Dons son véritable premier anniversaire que fête un individu chinois est sa soixantième année. Après cette « première année », il prend un an chaque année. Idem pour les hommes et les femmes. En Chine, ils ne comptent que les 60, les 12 et les 6 comme ce qui est céleste. La journée traditionnelle chinoise est de 12 heures. Cette nouvelle tombée aux informations locales de 13 heures locales suscite des interrogations. Le six évoque les 60 minutes de l’heure, les six fois soixante des 360°, … Allons à la source, le livre que Yves lit et s’intitule « Empreintes chinoises » de Joal Bellassen et Jin Siyan. Le chapitre s’intitule « Le temps qui passe et qui revient ». L’anniversaire supporte un paradoxe. Il s’agit d’un moment important, solennel même, où pourtant la tradition est de servir des nouilles, plat associé d’ordinaire à une cuisine quotidienne. La symbolique est populaire, immédiate et facile à comprendre, il s’agit de signifier – par la longueur des nouilles la longévité. Lors de mon arrivée en Chine, j’avais demandé ce qu’il en était des coutumes ordinaires et entre autres de l’anniversaire. Je fus
surpris d’apprendre qu’il était relativement peu fêté, ou seulement avec des nouilles, pour les raisons citées. Il est apparu ensuite qu’il n’y avait qu’un anniversaire véritablement célébré : celui des soixante ans. C’est l’une des grandes caractéristiques de l’approche chinoise du monde : on ne pense pas en termes d’origine, mais selon une approche plus globale, holiste et cyclique de la création. Le calendrier traditionnel chinois est cyclique et s’organise sur une période de 60 années. Pourquoi soixante ? Parce qu’il y a cinq petits cycles de douze années, chacune marquée par un animal zodiacal. Pourquoi douze ? La journée traditionnelle chinoise est divisée en douze heures et non en 24.

Houlala !!! Il va falloir réfléchir !!! Une heure compte double : la première heure est celle qui va de 23 heures à 1 heure du matin, appelée l’heure du rat. …… Bon, les rats à bord, ce n’est pas notre truc, cela me rappelle une histoire vraie d’un marin qui est parti avec un rat à bord. D’ailleurs, à l’Estaque, on avait finit par
bien aimé les rats.

Bon, je lis la suite du livre mais ne peut tout vous écrire, dommage !!! car c’est là où l’on comprend qu’il existe aussi l’heure du Tigre, une heure du Singe et tout cela marche par douze. Pourquoi cinq ? Parce que chaque année du Singe, chaque année du Dragon, est associée successivement à un des Cinq Eléments qui structurent et animent le
réel : Le Métal l’Eau, le Bois, le Feu et le terre. Cette succession est périodique, et constitue de plus une pensée « en réseau ». Tiens tiens, les réseaux, c’est plutôt à la mode ça !!!

Les cinq saveurs de la cuisine renvoient aux cinq saisons, qui renvoient elles-mêmes aux cinq orients, qui sont associés respectivement aux cinq organes traditionnels du corps humain. Tout est connecté, relié, tissé.

Tant que j’y suis, je sens que je vais aller jusqu’au bout du paragraphe car j’ai l’impression de trouver une explication claire et concise à des notions dont j’ai  seulement capté des bribes tellement notre représentation du monde proposée généralement est franchement différente. Peut être et sûrement aussi, le fait de découvrir ce texte après des jours et des milles de mer, permet un meilleur entendement de cette proposition. Ici, le global prend un sens obligatoirement. Véronique qui à cette heure (pendant qu’Antrhony surveille son pain en fin de cuisson, Gilbert concocte notre déjeuner avec le thon d’hier et Yves qui n’ayant plus son livre que je recopie se dirige vers sa bibliothèque) s’essaie au sextant, prend un très bon chemin pour confirmer qu’avec un montre, un appareil de mesure d’angle et les bonnes formules de calculs, on peut avec le soleil savoir où l’on se trouve. Et ce n’est pas rien de savoir où l’on se trouve.

Là, on voit que 60 est important, que ce chiffre permet de faire correspondre angle, heures, distances…  Intellectuellement, c’est pas sorcier, mais de le faire permet une intégration d’une valeur inestimable à mes yeux de « vieilles » navigatrice qui a eu la chance d’expérimenter cela pendant de long mois alors qu’elle n’avait pas encore franchie son quart de siècle.

Reprenons car Gilbert viens de lancer « cela va être bientôt prêt ». C’est quoi le menu ? C’est beaucoup de création avec quelques inspirations. Thon en salade et salade Quinoa avec germes de Quinoa et germes de lentilles roses (cueillies il y une heure par mes bons soins) et vinaigrette à base de vinaigre balsamique.

Bon alors les chinois, …

La pensée chinoise n’est pas seulement globale et cyclique, c’est aussi  un monde de la relation et de l’analogie, opposé en cela aux conceptions occidentales de l’origine, de la causalité, du déroulement linéaire.  C’est seulement après la soixantième année que l’on retombe sur une nouvelle première année.

Bon anniversaire Yves.

Trois ans, c’est bien, tu es tout de même l’ainé de ta petite fille Anne qui vient d’avoir deux ans.

PS: la salade de Thon est exceptionnelle. Thon cru avec carotte râpée une orange, germes quinoa et lentille, vinaigre balsamique et tour de main Gilbet, le pain d’Anthony est ultra réussi et le bateau trace sa route directe sur le Cap Breton à 9 noeuds tout tranquillement.