Seconde lettre à Kenza

Pour Kenza élèves de l’école de l’Estaque Plage 2. Le 3 juin à 3 heures du matin, heure du bord (TU-3)

Chère Kenza, me voici de nouveau avec toi.

Alors tu me demandes ce que l’on pêche comme animaux marins ?

Et bien des thons. Nous en avions pêché trois depuis notre départ de Marseille et aujourd’hui aussi un très gros thon est venu se prendre au piège.

Mais aujourd’hui est un jour exceptionnel car c’est l’anniversaire de Yves. C’était donc un gros cadeau de la mer et tout l’équipage était heureux pour lui. L’aspect généreux du thon était comme un bon signe pour Yves et ses prochaines années.  Et puis, côté alimentation, c’est sûr qu’au bout de 9 jours de mer, manger du poisson est très agréable. On en a au moins pour quatre repas. Mais, pour tout te dire, je n’aime pas vraiment quand un poisson est remonté à bord. Je le préfère dans l’eau. »

« Vous avez rencontré quelle classe et de quel pays ? »

J’ai rencontré une classe de La Rochelle, une école à Tanger ainsi qu’un groupe de jeunes. Nous avons échangé nos coordonnées mais nous devons attendre que les classes de Tanger soient reliées à Internet.

Tu me demandes si je me baigne dans la mer.

Oui, nous pouvons nous baigner quand il n’y a pas de vent et que le bateau avance très lentement ou pas du tout. Ce que nous faisons aussi, c’est aller à la plage. Je veux dire la plage arrière du bateau, tu sais, derrière la barre. Là, chacun est tranquille, loin des autres qui ne nous voient pas et nous restons de longs moments pour se laver, s’allonger, regarder la mer au ras de l’eau, se tremper les pieds … La température  était encore hier de 21 degrés. Mais aujourd’hui, boum, c’est le début de la chute libre. 17 degrés aujourd’hui et la température va diminuer pour atteindre 2 degrés. En effet, ce sont les conséquences des courants.  Nous commençons à avoir l’influence du courant du Labrador qui descend des régions nordiques, le Groenland. Les icebergs ne sont pas très loin et d’ailleurs, nous avons gardé une route plus au sud de la route directe pour être assez bas au niveau du méridien 50°W. C’est aujourd’hui que nous avons franchit ce méridien, en même temps que l’anniversaire de Yves. Cela a été une journée particulière aujourd’hui  avec ce qui est pour nous des grands événements.

Parfois, est ce que tu vas dans des pays où ils ne parlent pas français ?

Oui, depuis notre départ de Marseille nous sommes allés dans quatre ports espagnols où la langue est l’espagnol et le Catalan pour Barcelone. Par contre, notre  contact le plus important, Andor Serra parle très bien le français. A Roses également, le directeur de l’école de la mer parlait parfaitement le français. L’explication est qu’ils sont allés tous deux dans leur jeunesse au Lycée français à Barcelone. Mon grand ami Jordi Sales parle aussi le français, ayant longtemps habité Paris. A Gibraltar, la langue est l’anglais. Tu ne rencontres que rarement quelqu’un qui parle le français. Ensuite à Tanger, les gens parlent arabe mais un très grand nombre de marocains parlent le français admirablement bien. Pour ma part, je parle à nos amis des associations partenaires exactement comme à des amis français. C’est ce qui explique l’étonnante proximité que nous avons avec nos amis marocains. Parfois, comme je me surprends à ne faire aucun effort avec eux pour parler plus doucement ou mieux articuler, je leur demande s’ils me comprennent et je sens que bien sur, ils sont totalement bilingues et de plus les jeunes qui suivent des études parlent bien l’anglais. Je suis toujours très admirative (et envieuse) de leur capacité à apprendre, parler et enseigner le français. Nous connaissons trois jeunes ayant participé aux Routes de la Santé ou  Voiles de Paix et Santé et qui sont venus faire des études à Marseille.  Au bout de moins d’un an, ils n’ont plus aucun accent décelable ou alors impossible de dire quelle est leur langue d’origine. Je pense qu’ils ont une oreille beaucoup plus éduquée que la notre depuis tout petit. Ensuite, le français leur est enseigné très tôt. Il n’y a encore pas très longtemps, les études étaient faites en français. Et puis, il me semble avoir compris que l’arabe est une langue qui a tellement de subtilités et richesses phoniques  qu’elle couvre toutes les gammes des autres de langues. Et enfin, puisque que tu me donnes l’occasion de parler des langues, nous avons assisté à Tunis à la répétition d’un groupe de professeur de français qui participait à un stage de théâtre avec notre magnifique professeur de théâtre Tahaar Klibi. Le but de ce stage était de voir en quoi la pratique du théâtre en français permettrait d’améliorer leur façon d’apprendre la langue aux élèves. Ils ont en effet constaté que leur enseignement était plus performant à l’écrit au détriment de l’oral. Alors, pendant le temps de vacances scolaires, ces enseignants ont découvert le théâtre, pour leurs élèves et par là même, la plupart des « élèves professeurs » ont découvert le théâtre pour chacun d’eux. Ensuite, lors de notre escale à Ponta Delgada, les Açoriens parlent le portugais mais nous avons rencontré dans le port de Sao Miguel beaucoup de personnes comprenant le français. Cela s’explique par la fréquence des bateaux français qui passent aux Açores, notamment quand ils naviguent des Antilles vers le continent français. A cette escale, Annabelle était très à l’aise car elle a appris l’an passé le Portugais, maîtrisant déjà l’espagnol. Pour ma part, j’ai appris à parler avec les expressions, les mains, les pieds et tout ce que je peux, ce qui est fondamental mais tout cela se complique dès que l’on dépasse le stade de la connaissance globale de la personne et en tout cas, handicapant pour trouver son chemin ou celui d’un objet à acheter.

Quand au Québec qui est notre prochaine destination, nous savons que nos amis québécois parlent le français et le défendent de façon très passionnée.

« Avez-vous touché des dauphins ? »

Non, mais encore hier matin, quand nous allions très doucement car le vent était très faible, trois dauphins tournaient très doucement autour de l’étrave du bateau. J’avais un rêve, c’était de sauter avec eux. Peut être un jour ?

« Vous avez déjà vu une baleine ou un requin ? »

Oui, les deux.

Voilà, chère Kenza. Je te remercie pour ces questions. N’hésites pas à me demander autre chose ou des explications sur du vocabulaire marin que j’emploi.

A bientôt.

Claire