Poissons volants

Ils sont nos seuls compagnons depuis des jours et des jours. Au milieu de ces terres, dans cette Méditerranée du continent américain, ils naviguent comme nous, poussés par des forces aussi aléatoires que répondant à des règles implacables.

Nos quatre systèmes olfactifs et gustatifs sont depuis notre départ, nous ne savons d’ailleurs plus vraiment quand, tous tendus vers le cliquetis du moulinet. C’est LUI le déclencheur d’une série de comportements coordonnés, précis, faisant des huit jambes et bras un seul corps tendu vers un même élan, un même espoir, une même direction, tous uni …

Néni, les heures passent, la lune grandie, les milles sont avalés par l’étrave dansante de notre esquif joyeux d’être poussé si rapidement par des vents d’une température complétant le bonheur simple de ses quatro quadripèdes contento …

Heureux, mais … oui …
le chef du jour trépigne, guette … rêve …
rêve de tartare de poisson … sushi … carpaccio …
oh, le moulinet cri …
non ! le bas de ligne en acier est coupé net …
oh, le moulinet cri …
oups ! la protection du hameçon a été oublié …
depuis …
plus de cri …

Et nous voici approchant du continent,
les vents n’ont jamais faiblit,
faisant de notre appât botulisé un mirage pour poisson trop lent,
révélant alors à nos yeux nos valeureux poissons volants,
qui, jusqu’ici discrets ou malicieux,
arrivent depuis ce matin directement sous nos yeux.

Il est le premier,
jaillit de son univers mouillé,
vole en rase motte sur la vague bleue,
franchit le franc bord de la bella barca,
et passe le hublot du laboratoire culinaire.

Sur le plan en inox éclairé,
assommé par sa prouesse osée,
son œil bleu est fixe, ses ailes repliées.

Petit déjeuner des dieux,
algue nori légèrement grillée,
tout cru il est avalé et remercié.

Puis, c’est partit,
par le hublot de la table à carte le suivant surgit,
nous voici devenu un terrain à 8 trous pour exocet en fin de vie.

Thalassanté par 10°55N 79°17W.