Jeudi 5 octobre 2017 13 heures

En entrant dans la marina de La Grande Motte nous sommes concentrés, comme à chaque entrée dans un port inconnu.

J’entends Yves parler à quelqu’un et lui dire comment as-tu su ? Et je découvre Christiane sur le quai qui agite ses bras. Que c’est sympa ! Quelle jolie surprise ils nous font la.

C’est vrai que l’on avait imaginé différents scenarios pour notre arrivée, et notamment une arrivée mercredi matin à Marseille, histoire de boucler la boucle. Notre Amandine s’est bien affairée pour alerter les amis et organiser un accueil digne d ‘un retour de tour du monde avec fiesta le soir. Mais les vents, les vents, les vents, toujours les vents décident.

Nous voilà guide à notre place et emboité dans notre espace avec l’aide d’un très agréable maitre de port.

Et Christiane et Claude montent à bord avec provision bien sûr. La suite est toute douce, vin de citron, tomates du jardin, tout le monde parle se donne des nouvelles et déguste le plaisir de ces moments partages.

C’est fait, bien fait, bien termine.

Et voilà, La Grande Motte est une agréable surprise pour nous. De longues marches matinales les pieds dans l’eau, une alimentation avec des fruits et légumes dignes de ce nom, des chantiers de bateaux, des magasins qui attendent probablement les dernières vacances avant d’hiverner, Montpellier proche, Marseille pas trop loin, l’atmosphère est tranquille et légère, tout est pour le mieux, nous sommes ravis d’être ici.

Samedi 7 octobre.

Bientôt la France.

Et c’est parti pour La Grande Motte.
Dernière nuit,
Dernier coucher de soleil,
Derniers quarts,
pas si simple mais
pour cette série de « Derniers », la pleine lune est avec nous.

Alors il faut marquer, fêter ce passage, celui de notre équateur à nous, de notre méridien à nous, de l’instant qui s’en va et nous propulse dans un ailleurs un peu inquiétant.

Nous nous y préparons depuis plusieurs mois, avec Madère qui reste notre premier sympathique sas de reconnexion. Puis Gibraltar, les vents, les attentes, les nouvelles rencontres. Le moment fatidique approche. Nous sommes confiant mais avouons le, un peu effrayes.
Alors trinquons à nous deux, à la mer, au bateau, à la vie, trinquons à tout ce monde, à ce magnifique voyage, et pour commencer au vin blanc bio de Portbou !
Puis tapas fromage de cabra et ramon tout finement coupé, poêlée de girolles de Portbou avec un peu d’ail et mousse/gâteau au chocolat classique mais au final pas si classique, délicieux ! avec touron et petit verre de Madère pour retrinquer encore.

Le soleil nous livre des couleurs orangée parfois fluo, une belle flambée pour la dernière … et patati et patata.

Les heures de nuit s’égrennent, c’est mon quart du matin et là, horreur. Je vois Yves emmitouflé, deux polaires, une veste de quart. Me voilà donc acculée à me couvrir de multiples couches. Le moral est en berne, la colère proche. Mais d’ou sort tout ce froid !
Et le soleil revient, la chaleur avec, le port approche, le vent est parti se promener ailleurs, la mer est d’huile, le moteur ronronne.

Ca y est, c’est fini, cela va finalement arriver, cela va finir, aie aie aie. Je dois trouver un symbole de passage, vite, je doit couper, je ne vais pas me lamenter tous les jours, toutes les heures, minutes. Je dois passer à autre chose, comment, quoi ???
Et l’idée du bain émerge. L’eau, me plonger dans cette eau gelée de Méditerranée, me reconnecter avec elle, avec ce continent, allez, ne pas réfléchir, faire, agir, c’est tout.
Je stoppe le moteur, Yves qui revient de l’avant pour preparer les amarres n’entends plus le moteur, pense à une panne. Vite dévêtue, je sort d’un coup devant lui et va vers la plage arrière, notre plage. Nous rions se la surprise.

Je descend le long de l’échelle de bain et là je commence à hurler. Je hurle, et hurle à fond. C’est très très froid, terriblement froid, les tropiques c’est fini, je hurle à la mort, ne retiens aucun son, vide tout. Yves est content que nous n’ayons pas de voisin.
Au bout d’un moment, je m’adapte et me sent prête à m’immerger entièrement.
Je nage un peu, fait la planche, remonte un peu sur l’échelle, le soleil chauffe la peau, cela devient presque agréable. Voilà, c’est fait. Je sors, il fait bon.
Tout est devant. Moteur.

Claire le 5 octobre, au large de la Grande Motte

Départ Portbou

Depuis ce matin nous examinons les ports qui peuvent nous recevoir. Au final, Portbou est la meilleure option pour attendre que le coup de vent tramontane/mistral passe. Programme nettoyage bateau en vue. Cadre agréable, bons tapas, marche exploratoire en vue …
Et puis, continuant à regarder les ports de la côté occitane, nous voilà leur téléphonant un à un. Tirant d’eau 3 mètres, cela limite vite. Les prix vont aussi du simple au presque triple, donc ce n’est pas rien, surtout si au final, nous y restons un jour, deux, …. une semaine…… Au final, grande surprise, La Grande Motte nous accueille. le Maître de port est formel, tout colle bien.
Pèlerinage assuré pour Yves qui y a fait un hôtel dans les années 1971 et pour moi aussi qui y ai tiré mes premiers bords en dériveur, ma mère ayant, devant une adolescente ronchonne qui ne jurait que par la montagne, décidée de m’inscrire à l’école de voile avec ma sœur !!!
Alors adieu tapas, nettoyage, marches et temps devant nous. En route moussaillons, arrivée normalement demain dans la matinée après une nuit de petit temps où les vents tourneront, retourneront … peut être nos derniers milles ….
Mercredi 4 octobre Portbou.

Portbou

Nous voici partis de Barcelone pour Marseille. Les prévisions météo nous poussent à décamper subitement. Arrivée prévue, mercredi matin à Marseille. Moins de 200 milles, une broutille.
Et nous voilà en mer, commençant à traquer les souffles d’air, leurs changements d’humeur permanents qui nous obligent à manœuvrer plus que de coutume. Fatiguant, très fatigantes ces brises légères qui viennent de droite, de gauche, devant, derrière. Et voilà qu’au petit matin, les fichiers météo se montrent plus sévères côté tramontane. Et puis, je suis fatiguée. Des quarts de 2 heures maximum pendant cette nuit, mais enfin, ce n’est plus de notre âge ! Au dodo !
Nous décidons de trouver un havre pour la nuit à venir. Nous ne pensons même plus à Marseille mais surtout à où aller. Rosas n’a plus de place, nous visons Port Vendres (merci Christelle). Et puis, Yves trouve Portbou sur sa tablette. Petite marina toujours en Espagne, à la frontière.
Nous sommes justement par son travers, Ils ont de la place, nos y croyons à peine. De loin, ce port à l’air tout petit. Ont ils bien compris que notre embarcation mesure 18 mètres de long et a un tirant d’eau de 3 mètres ?
Quelques nombreux instants plus tard, nous voici amarrés puis attablés sous un platane devant une sangria et des tapas après une marche dans la petite ville – chemin de fer.
Nous n’y croyons pas. Nous sommes toujours en Espagne. Nous dégustons ces derniers instants où tous les gens sont magnifiques. Nous ne comprenons pas ce qu’ils disent. Nous captons juste la joie de leurs rires et le reste …. qu’importe ! nous ne comprenons rien, que c’est bon !
Demain la France …. tout entendre, tout comprendre, demain.
Bonne nuit.
Portbou le 3 octobre au soir.