En bateau, des programmes nous en faisons énormément. En partant de Cadix, nous étions déterminés : pas d’arrêt à Gibraltar. Tant que les vents nous poussent, nous continuons sur Malaga ou Almeiria. Le temps change vite dans les parages, donc ….. tout allait pour le mieux, le rocher de Gibraltar grossiit tranquillement au petit matin. Le vent est très faible. Nous sommes sous grand voile seule car, entièrement vent arrière, la voile d’avant est déventée. Le spinnaker classique n’est pas envisagé dans ces parages si fréquentés, avec un vent si variable et surtout étant seulement deux pour ses 300 mètres carré. Et puisque 2 nœuds de courant nous poussent, c’est royal !
Mais pourquoi royal d’ailleurs ! Je dirai donc …. majestueux ! mais cela ne viendrait il pas de majesté ! Décidément, comment s’exprimer en dehors des rois ! Alors je dirai … jouissif est un peu fort …. si nous avancions à 10 nœuds, cela aurait été jouissif mais là à 5 nœuds je choisi donc ….. parfait.
Gibraltar. Sixième fois que je croise ce rocher. La première fois il y a 43 ans avec la Chimère en direction de Saint Malo, la seconde fois il y a 26 ans avec le premier bateau aux couleurs de Thalassanté en direction de Marseille et ensuite avec Yves et notre maison, 4 fois.
Mais aujourd’hui, Gibraltar, pour nous, c’est « Williwaw 4 ». C’est le voilier de grands amis mais qui ne sont pas à bord. Grands, très grands amis, plus hauts que nos mâts sûrement. Depuis des années, nous attendions ce moment de mettre nos deux bateaux « à couple ». Cette année, nous y étions presque. Partant du Brésil quand ils partaient des Antilles, nous aurions pu réaliser ce souhait si nous avions choisit les Açores. Mais la route pour Madère s’étant ouverte pour nous au dernier moment ….. cela n’était pas encore arrivé. Et le bateau est bien là, tout près, mais nos amis eux sont à Marseille. Alors, ayant le réseau téléphonique, je converse par sms avec eux. Ils m’assurent que le bateau est en bonne sécurité et que notre visite n’est pas nécessaire. Et puisque le courant pousse, le vent aussi, que tout est parfait, l’envie de poursuivre est plus fort. Nous n’aurons pas réussi à mettre au moins une fois nos bateaux ensemble. Mais bon, ce sont les gens qui sont les plus important non ?
Nous arrivons maintenant à la fin de la baie qui permet de rentrer vers les ports. Je suis derrière la barre, sous pilote, à surveiller un petit cargo qui nous croise fort près sur notre babord. Des cargos, il y en a un peu partout. Certains sont mouillés, d’autres avancent à vitesse réduite, d’autre sont en route. Bref, on surveille tranquillement mais de près.
Yves dort. Il a peu dormi cette nuit, un quart de moins que moi. Cela ne lui fait donc que 3 heures de sommeil, alors je suis bien décidée à le laisser se reposer.
Vlan, un bon coup sec et voilà la Gand Voile descendue de la moitié de la hauteur du mât. En vrac. La situation est vite jaugée. La voile restante est plaquée sur le gréement. Nous sommes toujours plein vent arrière, le bateau ne change pas trop de vitesse poussé par le courant. Le cargo va bientôt être passé, il faut juste mettre le moteur qui se met en marche de l’intérieur. Je sonne le cri magique : YYYYYYYYvessssss …. qui sort tout de suite de sa couchette et lui dit « moteur » d’un ton qui exprime clairement que c’est à faire tout de suite.
Yves sort sur le pont, le cargo passe, nous virons sur son arrière, la voile est vite descendue, rangée et mettons naturellement le cap sur l’intérieur de la Baie au moment parfait pour y rentrer, car bien sur le côté pour éviter la trajectoire des monstres qui entrent et sortent sans cesse. L’avarie est mineure, plutôt drôle même car elle arrive juste au « bon moment » car 20 mn à peine plus tard, il aurait fallut revenir contre courant. Peut être même aurions nous hésité à poursuivre car il suffisait de shunter le système de « moufflage » de drisse de grand voile, nous aurions hésité, pendant ce temps le courant aurait avancé, encore plus hésité, bref, là, c’était PARFAIT. Notre première casse en 12 ans est mineure et se passe dans des conditions royales, parfaites ….
C’est en tête de mât que ce manillon s’est dévissé jusqu’à sortir, torde la manille que l’on sent nous narguer un peu. Et voilà, direction « Williwëw 4 »; Mais qui décide vraiment sur ce bateau !
Quelques au moins 20 cargos plus tard, nous arrivons à l’aire de mouillage des voiliers. Yves envisage de mouiller, remettre un manillon, monter en tête de mât, remettre en place la drisse et repartir.
Mais « Williwaw 4 » n’est plus qu’à quelques mètres de nous, la manille qui casse juste à ce moment, repartir sans se reposer, la nuit prochaine s’annonce fatigante. Les vents faibles et variables sont les plus pénibles, le trafic, le grand large est fini. Nous sommes dans le grand Port Méditerranée.
Alors direction le poste d’attente où nous nous voyons attribuer une place, panne 14, celle de notre bateau ami.
Et le voilà sous nos yeux heureux de le voir, un peu nu évidemment, nous donnant l’occasion de téléphoner à nos amis.
Tout se déroule au mieux, nous retrouvons nos marques en déambulant dans la ville, achetons quelques fruits, trouvons de délicieux tapas à « La Taberna » et ce matin, lever tôt à 9h pour poursuivre sur Almeria. Mais il faut prendre la météo. Il fait gris, frais, et bientôt la pluie arrive. Je traîne la patte. Nos adorables voisins nous donnent le code wifi. Nous leurs disons au revoir. Nous relevons un fichier météo « zygrib », confirmons la situation avec le très bon site de météorologie « windytv« . Nous pouvons avancer jusqu’à Malaga, mais probablement avec beaucoup d’heures de moteur et ensuite y être coincé pour les jours de vents d’Est en se trouvant ensuite dans une position moins favorable qu’ici pour repartir avec les vents d’ouest. Finalement, nous décidons de rester ici. Nous savons que c’est pour 3, 4, 5, 6 jours ? les fichiers nous donnent le 7 septembre. Enfin nous ne savons rien, tout peut changer, nous verrons bien.
Voilà, c’est cela la vie de bateau.
La Linéa de la Conception. Le 29 août 2017.
Claire et Yves.